Droit d’alerte et de retrait du salarié en cas de danger

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Un droit d’alerte et de retrait existe au bénéfice du salarié qui a un motif raisonnable de penser que la situation dans laquelle il se trouve présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (loin°82-1097 du 23/12/82 insérée dans le Code du travail aux articles L.4131-1 et suivants). L’employeur se doit d’informer les salariés de ce droit, voire de ce devoir d’alerte. Mais dans quelles conditions ce droit de retrait peut-il s’exercer ? Quelles en sont les limites ?

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Définition du droit de retrait

L’existence d’un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé est une condition obligatoire d’exercice du droit d’alerte et de retrait. On peut le définir comme une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l’Intégrité physique d’un travailleur dans un délai très rapproché.
Notion de motif raisonnable

C’est l’existence d’une situation dangereuse qui légitime le retrait du salarié. Le salarié doit avoir un motif raisonnable de penser que la situation de travail dans laquelle il se trouve présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Exemple : Constitue un motif raisonnable justifiant l’exercice de son droit de retrait par un salarié :

* Le caractère défectueux du système de freinage du camion de l’entreprise, alors qu’après l’interdiction de circulation émise par le service des mines, l’employeur était tenu de présenter le véhicule à une contre-visite afin que ce même service des mines puisse garantir l’intégralité des réparations effectuées.

* Le fait d’entrer dans un endroit dans lequel l’on peut suspecter la présence d’un « gaz », même s’il s’avère qu’après vérification, finalement le produit inhalé n’est pas dangereux pour la santé.

Ne constitue pas un motif raisonnable de retrait de son poste de travail, le fait d’être exposé à des courants d’air, situation qui ne présente pas de caractère de danger grave et imminent pour sa vie. Une sanction disciplinaire est alors justifiée (Cass. Soc, 17/10/89).
Notion de danger « grave »

La loi se réfère à la notion de danger sans distinguer son origine : ce dernier peut émaner d’une machine, d’un processus de fabrication ou même d’une ambiance de travail.

Exemple : Travail dans un local insalubre, mal éclairé, soumis à des émanations de gaz, non chauffé, entre 13° et 15° C, le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa santé était menacée par un danger grave et imminent (CA Versailles, 12 nov. 1996).

Le danger doit présenter un certain degré de gravité.

Il doit être distingué du risque « habituel » lié au poste de travail et aux conditions normales d’exercice du travail (convoyeur de fonds par exemple), mène si l’activité peut être pénible et/ou dangereuse. Un travail reconnu dangereux en soi ou « un poste à risque » tel que définit dans le code du travail (grutier), ne peut justifier à lui seul un droit de retrait.

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Notion de danger « imminent »

L’imminence du danger, quant à elle suppose que le danger n’est pas encore réalisé mais qu’il est susceptible de se concrétiser dans un avenir très proche. L’appréciation se fera au cas par cas, de façon objective.

A noter : La notion de danger grave et imminent concerne plus particulièrement les risques d’accidents, puisque l’accident est dû à une action soudaine entraînant une lésion corporelle. Les maladies sont le plus souvent consécutives à une série d’événements à évolution lente. Cependant, que le dommage se réalise progressivement ou instantanément, le risque proche d’une dégradation de la santé du travailleur peut constituer un danger grave et imminent.
Un registre de danger grave et imminent est à disposition du CHSCT. Une réunion extraordinaire du CHSCT, dans les 24 heures, doit être organisée lorsqu’un danger grave et imminent est signalé.
Le droit d’alerte : modalités d’exercice

L’article L.4122-1 du code du travail précise qu’il incombe à chaque salarié de prendre soin de sa santé et de sa sécurité. L’art L.4131-1 al. 1er de ce même Code ajoute que le salarié doit immédiatement signaler à l’employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé. C’est un droit individuel lié à un danger le visant personnellement.
Si l’article oblige le salarié à signaler immédiatement à l’employeur l’existence d’une situation de travail qu’il estime dangereuse, il ne lui impose pas de le faire par écrit. L’avis d’alerte peut être donné verbalement. Cependant, la consignation écrite dans un document particulier peut s’avérer utile et même, être imposée à titre de preuve. Le règlement intérieur peut imposer une information écrite.

Pour les représentants du personnel au CHSCT, l’avis doit être consigné sur un registre spécial, coté et ouvert au timbre du comité. II est daté, signé et comporte l’indication du ou des postes de travail concernés, de la nature du danger et de sa cause, ainsi que le nom du ou des salariés exposés (art. D. 4132-1 du Code du Travail).
Le droit de retrait et d’alerte ; conditions d’exercice et effets

L’employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent (art. L 4131-1 al. 2ème du Code du travail).
Conditions d’exercice du droit de retrait

II doit être précisé que le droit ainsi institué n’est qu’une faculté et qu’en aucun cas, il ne saurait être reproché au salarié victime d’un accident du travail de ne pas s’être retiré d’une situation de travail qui s’est révélée dangereuse.

Rappel : La seule obligation incombant au salarié en la matière consiste, au cas où il estime devoir se retirer pour ce motif, à le signaler à l’employeur ou à son représentant (Circ. DRT n° 93/15, 25 mars 1993).

L’exercice du droit de retrait nécessite, au préalable ou de manière concomitante, l’utilisation de la procédure d’alerte. Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent (art. L. 4132-1 du Code du travail). Dans ce cas, l’ensemble des salariés exposés peut exercer un droit de retrait individuel et simultané.

Dans ce cas, le droit de retrait exercé par un groupe de salariés doit être distingué des arrêts collectifs de travail, à savoir le droit de grève. La différence entre ces deux situations réside dans le caractère concerté de la grève, l’employeur étant informé au préalable des revendications professionnelles. Éventuellement, un préavis de grève peut s’imposer. Le droit de retrait n’est précédé, quant à lui, que de la procédure d’alerte et, souvent, il est exercé en même temps.

La durée du retrait dépend de la nature du danger grave et imminent ainsi que des mesures préventives décidées par le chef d’établissement. Celui-ci, alerté par un salarié, fait procéder à une inspection des lieux de travail et ordonne les mesures nécessaires à la suppression ou à la limitation du danger. Lorsque l’employeur considère qu’il n’existe pas ou plus de danger grave et imminent, il peut ordonner au salarié de retourner à son poste de travail.

Cas particulier – Le droit de retrait d’une situation de travail présentant un danger grave et imminent est ouvert dans certaines conditions aux salariés intérimaires : L’accord sur la santé et la sécurité dans le travail temporaire prévoit que l’agence de travail temporaire doit prendre contact avec les représentants de l’entreprise utilisatrice afin d’obtenir une explication sur la nature du danger et les mesures prises pour y remédier.
Les salariés intérimaires peuvent aussi se tourner vers un membre du CHSCT de l’entreprise utilisatrice pour un déclenchement de la procédure d’alerte par ce dernier.

Le droit de retrait en situation de pandémie grippale : La circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale le droit individuel de retrait ne peut en principe trouver à s’exercer.
En effet, les mesures de prévention, la prudence et la diligence de l’employeur privent d’objet l’exercice d’un droit de retrait qui se fonderait uniquement sur l’exposition au virus ou la crainte qu’il génère. prévoit que dans ce contexte, y compris en phase 6 du plan national, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales, visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel,
Conséquences et effets du retrait

Aucune sanction disciplinaire, ni retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d’eux (art. L 4131-3 du Code du travail).

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Le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise ne permet pas de sanctionner l’exercice régulier du droit de retrait. Une erreur du salarié quant à l’existence d’un danger grave et imminent ne constitue pas une faute sanctionnable, dès lors que celui-ci avait un motif raisonnable de croire à l’existence d’un danger grave et imminent.
En revanche, tout salarié qui exercerait un droit de retrait non légitime s’expose à des sanctions disciplinaires (retenue sur salaire, licenciement).

En outre, le retrait est un droit du salarié et ne constitue en aucun cas une obligation.

Le non-exercice du droit de retrait ne saurait donc amener une réduction ou l’élimination de la responsabilité encourue par l’employeur au titre des accidents du travail ou maladies professionnelles.

Lorsque l’exercice du droit de retrait crée pour autrui un risque grave et imminent ou un risque de sur-accident, le salarié s’étant retiré de son poste de travail manque à ses obligations et commet ainsi une faute tant civile que pénale. Il est nécessaire que l’accident subi par autrui trouve sa cause dans l’exercice du droit de retrait ; ce qui sera possible, par exemple, lorsqu’un salarié occupe un poste de sécurité.
Sur le plan pénal, la sanction du délit d’imprudence, blessures ou homicide, pourra être appliquée.
Sur le plan civil, la faute commise par le salarié pourra entraîner sa responsabilité quant aux conséquences financières subies par l’entreprise : dégâts matériels, perte de production, surcoût de cotisations accidents du travail.

Le salarié fautif est susceptible de sanctions disciplinaires, éventuellement d’un licenciement pour faute grave.

Enfin, l’article L. 4131-4 du Code du travail précise que l’employeur est considéré comme ayant commis une faute inexcusable présumée si le risque signalé, soit par le salarié, soit par un membre du CHSCT, s’est matérialisé et si le salarié est de ce fait victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

par Multiforse