Prévenir, lutter contre l’alcoolisme au travail

INTRODUCTION

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10 à 20 % des accidents du travail sont directement imputables à l’alcool.

Le milieu professionnel peut parfois favoriser l’usage d’alcool, a contrario, la consommation d’alcool est un facteur de risque professionnel en entraînant des effets délétères sur l’activité du salarié et donc de l’entreprise.

La prise en compte de la problématique alcool au travail s’avère délicate car se confronte au respect de la vie privée.

Pratiques sociales de consommation

La consommation d’alcool est profondément ancrée dans les usages sociaux français, et notamment dans le cadre du travail. Les « pots » de départ, de promotion… et les repas d’affaires, favorisent et légitiment l’usage de l’alcool. (En 2003, Inserm : près d’un salarié sur 4 consommerait régulièrement de l’alcool sur son lieu de travail, avec ses collègues ou ses clients).

Il y a quelques dizaines d’années, la consommation d’alcool sur le lieu de travail représentait souvent une réponse aux conditions de travail difficiles : chaleur, travail physique… L’alcool servant de moyen d’étancher la soif, de s’hydrater.

Actuellement, l’évolution de l’outil de travail a remplacé la charge physique de travail par une augmentation de la charge psychique et psychologique mais aussi par le stress. L’alcool de ce fait, représente l’anti-stress ou l’anxiolytique par excellence.

Il faut savoir que l’ennui, la pénibilité physique du travail, le contact avec le public, sont des facteurs favorisant l’usage d’alcool.

L’alcool : un problème de santé publique mais pas seulement
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En France, l’alcool est la 2ème cause de mortalité évitable

L’alcool agit comme facteur déterminant ou aggravant dans 45 000 décès par an (dont 1/3 concerne des personnes non dépendantes).
– 5 millions de personnes ont une consommation d’alcool qui expose à des difficultés d’ordre médical, psychologique et/ou social.
– 2 millions de personnes sont dépendantes de l’alcool.
– 15% des accidents du travail sont imputables à des personnes sous effet de l’alcool
– 1 salarié sur 2 suivi en santé – travail a une consommation excessive ou problématique

Alcool en milieu de travail : rapport INSERM mai 2004

Quels sont les effets de l’alcool sur le travail ?

Les effets de l’alcool sur le système nerveux sont connus. De faibles doses d’alcool (un ou deux verres) peuvent entraîner des modifications des capacités de travail : allongement du temps de réaction, diminution des réflexes, rétrécissement du champ visuel (attention aux angles morts!), baisse de la vigilance. L’alcool provoque aussi une certaine désinhibition qui va modifier les comportements et la prise de risques.

Dans le milieu du travail, la consommation d’alcool peut avoir des conséquences notables : problèmes de sécurité, accidents du travail et accidents de trajet : l’alcool serait responsable d’environ 15% des accidents du travail, ces accidents concernant surtout des salariés non alcoolo-dépendants.

De plus, les conséquences ne se limitent pas aux accidents du travail mais peuvent nuire à la productivité, à l’activité professionnelle elle-même, de par l’altération des capacités intellectuelles, de mémoire, d’apprentissage…

Plus largement, le risque alcool concerne la qualité de vie au travail, notamment la dégradation des relations entre collègues (agressivité, intolérance…), les retards à répétition, les arrêts de travail, l’absentéisme…

Tout cela représente un coût économique et social élevé pour l’entreprise.

Quels sont les aspects réglementaires ?

La réglementation au sein de l’entreprise est régie par différents codes, notamment :

Le code du travail :

(Article L.230-2)
Le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires…

(Article L.230-3)
… il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail.

(Article L.232-2)
Il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer, et à tout chef d’établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personnes ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux de travail [- précisés à l’article L.231-1], pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel non additionnés d’alcool…
Il est interdit à tout chef d’établissement, directeur, gérant, préposé, contremaître, chef de chantier et, en général, à toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés, de laisser entrer ou séjourner dans les mêmes établissements des personnes en état d’ivresse…

D’autres codes sont en vigueur en milieu de travail : le code de la sécurité sociale, le code des assurances…
Le règlement intérieur fixe les mesures d’application de la réglementation hygiène et sécurité et les règles relatives à la discipline dans l’entreprise.

Par ce règlement, l’employeur peut :
– notifier les quantités d’alcool qui peuvent être introduites dans l’entreprise (voire interdire)
– édicter les conditions de recours à l’alcootest ou à l’éthylotest (réservé à des postes de sécurité, avec avis du CHSCT)

En outre, le code du travail prévoit la mise à disposition de points d’eau potable et fraîche, pour inciter le personnel à s’hydrater.

Acteurs de la prévention «alcool» en entreprise :

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Toute personne suffisamment informée et formée sur le sujet.

Les équipes pluridisciplinaires santé-travail peuvent jouer un rôle important :

– auprès de chaque salarié et des collectifs de travail (accompagnement, consultation du CHSCT, participation aux actions collectives…)
– auprès de l’employeur (conseil, information, accompagnement)

L’infirmière et l’assistante sociale du travail accompagnent, informent, animent. Les animateurs et ingénieurs Hygiène et Sécurité mettent en oeuvre les mesures nécessaires. La direction, les partenaires sociaux de l’entreprise font respecter la politique de prévention
Le médecin du travail doit étudier l’aptitude d’un salarié à occuper son poste de travail. Il doit donc s’interroger sur le risque lié à l’alcoolisation du salarié par rapport au risque lié à sa fonction (travail de sécurité…). Le médecin du travail va aussi définir les meilleures conditions de travail possibles, être attentifs aux rythmes physiologiques et psychologiques en fonction de ces conditions de travail. Le médecin du travail a donc un rôle déterminant dans la prévention, dans l’orientation vers une prise en charge adaptée et un éventuel reclassement du salarié.

Les actions d’information et de prévention, qu’elles soient individuelles et collectives permettent souvent une diminution des problèmes alcool et une meilleure orientation, surtout dans les grandes entreprises, celles-ci ayant plus les moyens de faire intervenir des organismes extérieurs, de former des groupes relais, de mener des opérations de médiatisation……

Sanction
Si, malgré la prévention, vous vous retrouvez face à un salarié ivre, il vous faut agir vite et prendre les bonnes décisions.

Retirer le salarié de son poste. Lorsqu’un salarié ivre se présente au travail ou lorsqu’il est surpris en état d’ébriété pendant la journée, la première des choses à faire est de le retirer de son poste. Ensuite, si vous en avez la possibilité, vous devez le faire raccompagner chez lui, mais ne le renvoyez jamais seul.

Si vous n’avez pas la possibilité de le faire raccompagner par un autre salarié, ou par vous-même, vous devez le maintenir dans l’enceinte de l’entreprise en attendant que les effets de l’alcool se dissipent. En aucun cas, il ne doit être à son poste ou gêner les autres salariés dans leur travail.

Ce salarié n’étant pas à son poste, on le considère donc comme absent et les heures de travail non effectuées ne seront pas rémunérées.

Apporter des preuves. Si vous n’avez pas pu faire le test d’alcoolémie, qui constitue une preuve irréfutable en vue d’une sanction disciplinaire, il vous faudra recueillir des preuves ou des témoignages de personnes qui confirment l’état d’ivresse du salarié. Mais un salarié en difficulté avec l’alcool est bien souvent protégé par ses collègues, de peur des sanctions disciplinaires qu’il encourt. Il n’est donc pas toujours facile de recueillir des témoignages.

Sachez que vous pouvez demander à la police ou à la gendarmerie de venir constater le niveau d’alcoolémie du salarié.

Prendre une sanction proportionnée à la faute. La consommation d’alcool sur le lieu de travail est une faute qui peut justifier une sanction allant du blâme au licenciement, peu importe que l’état d’ivresse en question ait eu ou non des conséquences dans l’entreprise (baisse de la rentabilité ou accident par exemple).

Mais cette sanction doit tenir compte des circonstances, des fonctions, des antécédents (y a-t-il déjà eu sanctions ou avertissements pour des faits similaires ?) et de l’ancienneté du salarié.

Exemple :

Le fait, pour un agent de parking, d’être surpris une seule fois en état d’ébriété en 14 ans de carrière dans l’entreprise, après avoir commis une erreur de caisse, n’est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Un employé, en état d’ébriété, qui profère des injures et des grossièretés à un fournisseur peut être licencié, mais pas pour faute grave.
En revanche, le chauffeur-livreur qui est au volant du véhicule de l’entreprise en état d’ébriété peut être licencié pour faute grave.

Enfin, si dans votre règlement intérieur, vous avez pris la mesure d’interdire complètement la consommation d’alcool au travail, tout salarié qui en consomme ou en détient pourra être licencié pour faute grave.
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par Multiforse